Cet article appartient à une série d'articles portant sur une expérimentation autour de la prise en charge des déficiences intellectuelles , menée par le Dr. Roland Broca dans le cadre d'un institut médico-éducatif, entre 2007 et 2015.
Commençons déjà par partir d'une évidence, le retard mental dont souffrent les enfants et adolescents dont nous avons la charge, résulte d'un dysfonctionnement cérébral. Par ailleurs, le retard mental en tant que handicap mental est à distinguer de la maladie mentale dont les causes sont purement psychopathologiques. Les sujets concernés par ces affections relèvent en principe d'établissements spécialisés ad hoc.
Le retard mental lui, concerne les capacités cognitives perturbées par un dysfonctionnement cérébral. Les causes de ce dysfonctionnement sont multiples, mais il apparaît que la cause primordiale est d'origine génétique. Or, s'il n'existe pas de gène de l'intelligence, par contre, plus de 300 gènes différents, chacun ayant des fonctions spécifiques dans le programme de développement de l'être humain, ont été déjà identifiés comme ayant pour conséquence secondaire des perturbations diverses et variées dans l'organisation et par conséquent dans le fonctionnement de l'appareil psychique.
Ces perturbations dites syndromiques affectent également d'autres secteurs du fonctionnement général de l'organisme, provoquant dans les cas les plus préoccupants une situation de polyhandicap. Retard mental veut dire déficit plus ou moins important en ce qui concerne les capacités cognitives. En effet, le retard mental constate les repercussions indirectes des lésions de l'encéphale. Or, c'est pour l'essentiel le déficit cognitif dans les apprentissages qui commande l'orientation vers un établissement spécialisé comme le nôtre.
Face à cette situation, deux approches que l'on voudrait complémentaires se présentent en réponse à ces difficultés.
- La voie médicale qui passe en premier lieu par le diagnostic étiologique puis, dans un deuxième temps par l'évaluation neuropsychologique des déficits cognitifs et des aptitudes conservées.
- A partir de là, la voie curative est renvoyée vers le futur à partir de deux orientations différentes, la thérapie pharmacologique et la réparation génomique à partir des cellules souches.
Ces deux voies sont prometteuses, mais pas immédiatement disponibles sur le marché. Reste pour l'instant une série de techniques médicales de rééducation fonctionnelle, destinées à corriger autant que faire se peut les perturbations constatées. Si on en attend l'efficacité maximum, ces techniques doivent être envisagées globalement et nécessiter une coordination étroite des acteurs concernés ; c'est ce à quoi nous allons nous employer.
Par ailleurs, des techniques éducatives et pédagogiques tentent de rémédier au déficit dans les apprentissages et aux troubles éventuels du comportement. Cette approche ne peut être dissociée de l'approche médicale dans la mesure où celle-ci doit éclairer celle-là.
L'équipe de soins ne peut par conséquent être un simple appendice de l'équipe éducative, pas plus que se revendiquer, compte tenu de ses compétences spécifiques, comme séparée des techniques de l'équipe éducative. Seule une collaboration étroite entre les deux dimensions peut apporter un maximum d'efficacité à notre démarche globale de soins.
Comment nous y prenons-nous pour satisfaire à ces exigences.
Sur un plan médical, nous avons donné ces deux dernières années la priorité à un diagnostic étiologique aussi précis que possible. C'est ainsi que nous avons obtenu la collaboration amicale du Pr Arnold MUNNICH Pédiatre généticien de l'hôpital Necker qui vient avec des membres de son équipe procéder à des consultations in situ, qui se prolongent dans son laboratoire.
Dès maintenant, la majeure partie de la population de l'I. M. E. bénéficie d'un diagnostic précis démontrant la nature génétique ou biologique des troubles présentés. Ces consultations vont se poursuivre pour les nouveaux entrants et également en direction d'un certain nombre d'adolescents de la S. I. P. F. P. encore privés de diagnostic. Dès à présent, le Pr MUNNICH sera en mesure lors du colloque de 14 et 15 avril 2011 de présenter ses observations sur les résultats obtenus.
Par ailleurs, avec le concours d'Alexandra GENELOT neuropsychologue, nous sommes en mesure d'effectuer des évaluations cognitives précises des déficits et aptitudes de nos enfants. Cette évaluation se poursuit par des techniques de rémédiation cognitive. L'éclairage apporté par cette approche devrait bénéficier pleinement à des techniques de rééducation pédagogique et éducative plus spécifiques.
Le langage étant le moyen de communication et d'apprentissage spécifiquement humain, les perturbations plus ou moins importantes constatées chez nos enfants devaient être spécifiquement prises en compte. C'est ainsi que Sophie MUCZYNSKI orthophoniste a développé dans l'établissement une méthode dite actuellement mimo-gestuelle, grâce à la collaboration de l'équipe éducative, dont les effets deviennent de plus en plus sensibles. Ce programme piloté par le Pr Annie RISLER de l'Université Lille 3 devrait pouvoir se développer.
Dès à présent, la collaboration avec les familles connaît un succès grandissant. Ce programme développé à partir de la S. E. E. S. connaît dès maintenant logiquement une extension vers la S. I. P. F. P. à partir de l'adhésion des personnels éducatifs. Cette extension demandera probablement des moyens spécifiques supplémentaires pour se développer.
Si le trouble est d'origine biologique, il a bien entendu des repercussions psychologiques très importantes, aussi bien pour les enfants que pour leur famille. C'est là où un effort supplémentaire devrait être donné pour qu'un soutien psychologique puisse être apporté, de façon soutenue à ces enfants mais aussi à leur famille. Dès maintenant et ceci depuis 3 ans environ, un groupe de parents est accueilli lors des samedis travaillés par un éducateur et un psychologue. Au niveau individuel, il reste beaucoup à faire, mais en avons-nous les moyens ?
Globalement, si nous voulons progresser nous devrons tenir compte de plus en plus des avancées considérables des Science de la Vie qui ont ouvert à la Biologie un statut scientifique mieux établi à l'instar des mathématiques et de la physique. Freud et Darwin ne sont pas devenus pour autant antagonistes. La biologie de l'esprit Freud y avait déjà pensé sans pouvoir y apporter de solution faute des outils de recherche nécessaires que l'étude récente du génome humain nous a donnée.
Pour aller plus loin : La déficience intellectuelle face aux progrès des neurosciences. Repenser les pratiques de soin