Cet article appartient à une série d'articles sur une expérimentation menée autour de la prise en charge des déficiences intellectuelles , par le Dr. Roland Broca, dans le cadre d'un institut médico-éducatif, entre 2007 et 2015.
Le terme handicap mental s’est forgé comme nécessaire à individualiser des affections, des syndromes, conséquence d’une atteinte lésionnelle de l’encéphale, quelle qu’en soit l’étiologie. D’une origine par conséquent différente de celle des maladies mentales réputées d’origine psychogène, ce que l’on appelle communément folies, et relevant par conséquent spécifiquement d’une approche psychiatrique. Ce distinguo était devenu d’autant plus nécessaire que la psychiatrie s’étant volontairement émancipée, depuis quelques décennies, de la neurologie pour trouver sa propre identité, elle avait ainsi perdu une compétence pourtant nécessaire au premier chef, dans l’approche raisonnée du handicap mental.
Remettre en question le terme de déficience intellectuelle est probablement aussi nécessaire vu l’usage non différencié qui en est fait souvent ; car, de déficience à défectologie il n’y a qu’un pas, qui peut parfois être vite franchi.
Cette connotation péjorative a contaminé l’approche possible ou plutôt, on le constate, conforté le relatif désintérêt quant aux perspectives thérapeutiques, au-delà de l’aide au diagnostic, de disciplines scientifiques du domaine des sciences de la vie : neurologie ; neurobiologie ; neuropsychologie, pourtant naturellement concernées par ces déficiences. La génétique fait exception, à partir des progrès récents, décisifs de cette discipline qui a permis de diagnostiquer un grand nombre de ces affections ; y compris des maladies dites orphelines ; et ainsi d’apporter un éclairage nouveau sur la causalité des troubles observés. Reste à traduire cet éclairage, au niveau de la mise en oeuvre de complexes stratégies thérapeutiques, nécessaires à des soins mieux ciblés, au cas par cas.
Car il faut bien constater actuellement que la prise en compte des troubles et déficiences constatés se fait de façon essentiellement symptomatique et pragmatique. C’est déjà pas si mal et cela a permis, grâce à un plateau technique conséquent, d’obtenir des résultats très appréciables.
Faut-il nous en contenter ?
Les Sciences fondamentales qui nous concernent, les Sciences de la vie, ont fait des progrès stupéfiants, au cours des dernières décennies. Des idées reçues, des évidences que l’on pensait gravées dans le marbre pour l’éternité ont été totalement remises en question, que ce soit par la découverte de la plasticité synaptique ou de la neurogénése impensable il y a peu.
Le handicap majeur de ce concept, c’est le cas de le dire, c’est son polymorphisme. Ce concept ne recouvre pas un ensemble homogène de troubles. C’est même tout à fait le contraire, puisque c’est plutôt le polymorphisme qui domine ce vaste domaine qui manque cruellement de certitude.
Comment expliquer que des organismes publics mis en place par le gouvernement, tels les Centres Régionaux Référents des Troubles du Langage, n’ont comme champ d’application que des troubles dits spécifiques concernant exclusivement des enfants normo-intelligents. On exclut ainsi, a priori, des enfants handicapés mentaux dont la difficulté majeure concerne précisément le langage.
De même en matière d’évaluation neuro- psychologique dont ces enfants devraient pouvoir bénéficier pour déterminer la meilleure orientation thérapeutique possible, les outils d’évaluation spécifiques n’existent pas. Les outils, là aussi, ne concernent que des enfants normo- intelligents.
Concernant les techniques utilisées par les disciplines paramédicales impliquées dans la prise en charge du handicap mental, telles que orthophonie, psycho-motricité, psychologie, elles ont été étalonnées, calibrées, pour répondre aux besoins, là aussi d’enfants normo-intelligents, présentant des troubles spécifiques.
Pour aller plus loin : La déficience intellectuelle face aux progrès des neurosciences. Repenser les pratiques de soin