Cet article s'inscrit dans le cadre de l'ouvrage collectif "Séparations conflictuelles et aliénation parentale : Enfants en danger", paru en février 2016 aux éditions Chronique sociale.
They dream in courtship, but in wedlock wake.
Alexandre Pope [1]
Toutes les séparations sont douloureuses pour le couple. Toutes font souffrir les enfants et les marquent à jamais. Les séparations se passent plus ou moins bien – ou plutôt plus ou moins mal. Le plus souvent, les parents cherchent à s’accorder sur un compromis, pour le bien des enfants.
Dans les situations que nous caractérisons comme manifestation d’aliénation parentale, l’un des deux parents refuse tout compromis et affirme vouloir être le seul parent responsable de l’enfant. Et l’enfant – ou les enfants – prennent parti pour ce parent là et rejettent l’autre parent.
Dans la triade œdipienne classique (papa, maman, enfant), on observe le rejet en bloc de l’un des partenaires : le couple de parents se transforme dans un couple parent-enfant, où l’exclu sera – non l’enfant comme tiers, mais l’un des conjoints.
Nous pouvons faire l’hypothèse que la résolution œdipienne pour cet enfant, sur le plan de l’identification, s’en trouve compromise. Car c’est la résolution œdipienne qui normalise la relation à l’Autre parental – père et mère - et augure du bon développement de l’enfant, personne autonome et non pas partenaire d’un des deux parents.
1- De l’amour, du mariage, et de quelques complications.
Comment en arrive-t-on là ? Qu’est-ce qui fonctionne si mal dans le mariage occidental moderne ? [1]
Depuis quand le mariage existe-il ?
« L'invention du mariage remonte à l'époque romaine. Le mariage répond alors à une nécessité pour l'homme d'assurer sa descendance ». La femme est considérée au départ comme une propriété du père, ensuite comme une propriété de son mari. L’anthropologue Claude Lévi-Strauss a déjà souligné dans son ouvrage, Les structures élémentaires de la parenté [2], la valeur d’objet – marchande – des femmes dans les échanges. Chose qui a cessé d’être vraie dans notre société moderne où la libéralisation des mœurs va jusqu’à rendre possible désormais le mariage entre deux hommes et entre deux femmes. Mais cette vérité des échanges sociaux, observée par Lévi-Strauss, est toujours vraie pour des sociétés dites traditionnelles, comme la nôtre.
Mais, si jadis c’étaient les pères qui décidaient du sort des femmes, où en sommes nous aujourd’hui, où la question de l’émancipation, notamment économique, de la femme semble résolue ? Le sujet – homme ou femme – est-il véritablement libre, du point de vue de l’inconscient, de choisir le partenaire qu’il souhaite ? Nous pourrions avancer que si l’un ou l’autre, restent vis-à-vis de la loi, un homme, une femme libre, leur choix de partenaire est déterminé – donc restreint dans leur liberté - par l’inconscient. On peut par conséquent dire que le couple c’est la rencontre de deux inconscients, pour le meilleur, et pour le pire. Chacun se présente à l’autre avec les coordonnées de son histoire singulière, et les particularités des achoppements éventuels du modèle familial. On se trouve là dans une dimension où l’imaginaire est très largement prévalent, le rationnel y trouvant une place de plus en plus congrue.
Pourquoi le mariage d’amour, revendiqué avec tant de force comme plus civilisé que le mariage de raison ou le mariage arrangé, échoue-t-il de plus en plus souvent ? Le mariage d'amour étendu à l’ensemble des couples est une invention de l'époque moderne. Sans doute promu par ces histoires romanesques qui défient toutes les conventions sociales. Mais attention, cette libéralisation de l'institution maritale s'applique essentiellement à l'Occident chrétien.
Nous constatons par notre pratique de psychanalyste que le mariage d’amour repose sur une idée, qui ne serait qu’un leurre, selon laquelle l’amour serait éternel et pourrait, dans la durée, soutenir l’union de deux êtres. Le psychanalyste Jacques Lacan qualifiera l’amour par cette formule énigmatique : « Donner de l’amour, c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas ». [3] Ce dont l’amour a besoin, pour continuer de fonctionner comme vérité - une fiction, comme toute idée élevée au rang de vérité par le sujet –, c’est cette dimension de l’équivoque. Il s’agit de toute évidence d’un leurre auquel les deux sujets vont contribuer de manière inconsciente à donner consistance, sous les augures du charme des premières rencontres.
Voici comment, dans le livre La Délicatesse, David Foenkinos entend cet amour à deux qui serait une sorte d’évidence incontestable, ce constat qu’on est fait l’un pour l’autre, délicieux leurre commun au sein de la comédie amoureuse :
« Si elle avait accepté d’aller s’asseoir avec cet inconnu, c’est qu’elle était tombée sous le charme. Immédiatement, elle avait aimé ce mélange de maladresse et d’évidence (…) En dix minutes, la scène initiale de l’abordage dans la rue était oubliée. Ils avaient l’impression de s’être déjà rencontrés, de se voir parce qu’ils avaient rendez-vous. C’était d’une simplicité déconcertante. D’une simplicité qui déconcertait tous les autres rendez-vous d’avant, quand il fallait parler, essayer d’être drôle, faire des efforts pour paraître quelqu’un de bien. Leur évidence devenait presque risible. (…) Le soir, ils refaisaient leurs parcours sur la carte, pour voir à quel moment ils auraient pu se rencontrer, à quels moments ils avaient sûrement dû se frôler. Voilà où elle allait : dans un roman ». [4]
Cette illusion de rencontre avec une âme sœur – ou avec sa moitié perdue - évacue l’effectivité de plusieurs pulsions qui agitent chacun d’entre nous : l’agressivité, le désir confondu avec l’amour et son caractère éphémère, et surtout le décalage qui existe entre l’amour vécu par une femme et l’amour vécu par un homme – même dans la phase de la passion amoureuse. Comme le souligne avec humour le dicton populaire : « L’amour est aveugle, le mariage lui rend la vue », démontrant que ce leurre est commun et nécessaire, du moins, pour le mariage contemporain qui tient à cette fiction délicieuse.
Le mariage d’amour repose sur un malentendu.
Le malentendu fondamental entre les hommes et les femmes trouve sa source dans le constat qu’il ne saurait y avoir d’harmonie naturelle, préétablie, entre les sexes. L’un des partenaires n’est pas la moitié de l’autre ni l’autre la moitié de l’un; l’un et l’autre ne font pas rapport. Ce que Lacan a mis en évidence avec la formule : il n’y a pas de rapport sexuel ; mais il a bien sûr des rapports sexuels. Ce qui veut dire qu’il n’y a pas de complémentarité entre les sexes. Ce qui vient démentir le mythe d’Aristophane, dans le Banquet de Platon. [5]
La notion d’âme soeur vient de ce Dialogue. Aristophane raconte à Socrate qu’auparavant il existait des créatures à la fois mâle et femelle, ayant quatre pieds, quatre mains, deux têtes : les androgynes. Ces êtres étant devenus trop puissants. « Ils étaient si forts qu’ils tentèrent d’escalader le ciel pour y combattre les dieux. Zeus dut se résoudre à leur infliger une leçon. Il décida de les couper en deux comme on coupe les légumes pour les mettre en conserve. Quand l’homme primitif eut été dédoublé par cette coupure, chacun, regrettant sa moitié, tentait de la rejoindre. S’embrassant, s’enlaçant, l’un à l’autre, désirant ne former qu’un seul être ». [6]
S’il y a un sujet qui échappe au malentendu de la langue et fait exister le rapport sexuel, ce qu’on pourrait appeler l’amour réel, c’est uniquement le sujet psychotique, qui croit faire un avec l’autre partenaire, dont il a besoin pour continuer à exister dans le monde.
Le malentendu s’actualise, dans la vie du couple hétérosexuel moderne, quand il est uniquement guidé, dans son choix amoureux, par la seule loi de la recherche narcissique et d’un gain permanent de satisfaction. Sur cette scène va se jouer, pour chacun des partenaires, le discord de structure, entre amour et sexualité, installé au cœur de la relation de couple. Une sexualité souvent ravalée, sous le masque d’une pseudo libéralisation des mœurs, au modèle marchand de la société libérale avancée.
Pour ce qui est des séparations conflictuelles, le problème c’est moins le supposé amour entre partenaires que l’arrivée de l’enfant, véritable enjeu de notre époque, où il y a une idéalisation de l’enfant conçu comme l’aboutissement du couple. Et plutôt que de respecter les droits de l’enfant, nous sommes passés au droit à l’enfant y compris dans la revendication récente des couples homosexuels.
Les hommes ont un rapport direct à la sexualité, sauf accident de parcours, car l’exigence pulsionnelle, liée à l’organe (le pénis), les y pousse, bien que ce rapport se trouve compliqué d’avoir à convaincre et à obtenir l’assentiment de la partenaire. Il faut dire, en effet, que pour les hommes l’amour est plutôt un obstacle à la sexualité. Il est un obstacle car l’amour pour la partenaire renvoie à l’amour pour la mère et par conséquent à l’interdit. Cela n’implique pas une impossibilité a priori, puisque le désir, en fait, s’appuie sur l’interdit, mais une difficulté, dans la mesure où passer à l’acte nécessite une transgression de cet interdit, ce qui ne va pas toujours de soi.
Cette difficulté n’apparaît pas, nécessairement, immédiatement dans la vie du couple.
Le rapport amoureux va réactualiser, pour les deux partenaires, ce qui s’est joué, dans sa complexité oedipienne, dans la relation primitive d’amour pour la mère. Cette difficulté est généralement moins présente au stade des amants, mais elle se précise au stade conjugal et se confirme et se complique au stade parental. Il en résulte, par exemple, un phénomène bien décrit par Freud dans son article Le Plus Commun des ravalements de la vie amoureuse. [7]
Dans cet article, Freud montre la dissociation, chez l’homme, entre amour et sexualité. C'est-à-dire qu’il y a d’un côté la femme que l’on aime, la mère de ses enfants, qu’on a tendance à idéaliser, à mettre plus ou moins sur un piédestal, et d’un autre côté la femme pour laquelle on éprouve plus facilement du désir, qui ne doit pas être aimable, qui ne risque pas d’être idéalisée à l’instar de la mère, quelle qu’en soit la raison, prostituée, employée, domestique, etc. L’attrait traditionnel pour les amours ancillaires, outre les effets de la promiscuité familiale, s’appuie fortement sur les liens libidinaux précoces établis dans la prime enfance en relation avec le fait que ces femmes se trouvent souvent placées en position de substitut maternel.
En tout cas, cela montre que ce n’est pas forcément la même femme dans les deux cas qui est susceptible de déclencher le désir sexuel, et qu’à certains moments de la vie amoureuse il n’est pas évident, dans le couple conjugal, de faire coïncider les deux dimensions. Ce qui devient frappant dans l’approche clinique, au moment où la femme devient elle-même une mère, c’est le mari qui se trouve en difficulté. Il ressent l’enfant comme un rival, qui viendrait lui ravir sa femme, transformée en mère.
La demande d’amour
La grande question qui occupe les femmes, c’est l’amour. M’aimes-tu ? Question lancinante... Et sauf à s’identifier à un homme, ce n’est pas en premier lieu la sexualité qui l’intéresse. Pour la femme, Freud nous révèle un effort inconscient de trouver chez un seul partenaire la convergence entre ces deux courants, sexuels et celui, tendre de l’amour. Mais qu’on ne s’y trompe pas : l’amour au féminin n‘est pas altruiste; il pourrait ne pas vouloir le bien de l’autre, se montrant possessif et insatiable.
Toute demande est une demande d’amour, demande de complétude, d’être rassuré sur le « manque à être » ; notre être de sujet n’a pas de vraie consistance qu’à se faire reconnaître par un autre, notamment dans l’amour. Ce qui permet de comprendre ce désir éperdu, bien qu’illusoire, de faire un avec l’autre. C’est la nostalgie inconsciente, qu’on soit homme ou femme, de faire un avec la Mère, de faire couple avec elle. D’ailleurs plus tard, le sujet fera en sorte de rencontrer des partenaires à son image, prolongeant son amour pour cette dernière par le truchement d’une nouvelle femme ou d’unnouvel homme.
La question de l’amour, historiquement, n’est que récemment apparue au premier plan dans la vie des couples, mais combien embarrassante depuis lors pour le couple moderne. Le modèle existait déjà au moyen âge avec l’apparition du rituel de l’amour courtois, au temps des troubadours et des gentes dames, à une époque où les valeureux chevaliers ne donnaient pourtant pas dans la dentelle dans l’exercice de leur sexualité. Ces jeux de langage, ces joutes poétiques, réservé au monde des seigneurs mettaient un peu de sentiment dans un monde de brutes....
Nous pouvons nous demander à quel moment et à partir de quelles coordonnées cette dimension de l’amour a été rendue nécessaire pour donner consistance au couple, faisant croire d’ailleurs que ça a toujours été le cas. Le mépris occidental vers d’autres formes d’alliance vient confirmer cette sorte de refoulement.
Pour les deux protagonistes du couple, l’autre, le partenaire amoureux, le véritable partenaire, inconscient, c’est la mère. Le partenaire amoureux représente la mère, dans la mesure où pour tout un chacun, quant à l’amour, c’est la référence absolue à ce qu’a été la relation d’amour primaire à cet autre maternel qui se révèlera décisive. L’amour pour le partenaire amoureux, fait écho à la poignante nostalgie de cet amour premier, perdu à jamais. [8]
Ce qui a pour conséquence à l’évidence la fragilité et la précarité, dans le monde contemporain, du lien de couple conjugal, précarité corrélative de l’autorisation légale, de plus en plus affirmée, à pouvoir, sans trop de difficulté apparente, rompre ce lien.
Pourtant depuis des siècles, et encore dans un passé récent, les codes culturels dans notre espace judéo-chrétien incitaient, au contraire, à la création et au maintien quasi obligé de ce lien, comme garantie de cohésion sociale et de transmission du patrimoine. « La position de l'église catholique a toujours été très claire : le mariage est indissoluble et ne pourrait donc être brisé. Ainsi un divorce (autre qu'une annulation de mariage) ne saurait être reconnu. De ce fait, les couples divorcés ne peuvent pas prétendre à participer aux sacrements. » Position en débat actuellement dans l’Eglise catholique.
Il n’y a là cependant nulle naturalité ; il s’agit, par le biais de l’institution sacralisée du conjugo, de remplir, par le biais de ce dispositif, les objectifs de la société, en garantissant la perpétuation de l’espèce dans des conditions optimales. Pourtant la tendance observée, depuis les dernières décennies, à retarder le plus longtemps possible la formalisation par le mariage des engagements de couple, qui se font et se défont au gré des circonstances, se confirme. Le désir d’enfant, pour la femme, tarde lui-même à se concrétiser, jusqu’aux limites extrêmes autorisées par l’horloge biologique.
Se confirme dans le même mouvement à partir du constat de la fragilité du couple conjugal moderne, l’évidence pourtant connue depuis toujours, qu’un couple ne peut exister dans la durée, seulement sur la passion amoureuse de ses débuts.
L’observation freudienne que l’amour rend possible la rencontre entre deux êtres qui espèrent se projeter dans une descendance, nécessite cet appui pour se développer. Ce couple conjugal se fonde puis se construit au fil des années, sur un projet de vie, impliquant la décision d’avoir, ensemble, des enfants, et de constituer par conséquent une cellule familiale stable, pour les accueillir et offrir un cadre sécurisant à un développement, si possible harmonieux, bien que nécessairement aléatoire. Cela suppose par conséquent, au–delà de la nécessité d’une maturité suffisante et d’un sens des responsabilités, de formaliser les engagements pris, quel que soit le cadre légal choisi pour se faire.
Nous faisons le constat d’un remaniement de la représentation sociale et imaginaire de la famille : auparavant l’idée de famille commençait avec l’alliance entre deux partenaires par la voie du mariage, qui établissait l’union entre deux familles et l’alliance de leurs biens communs. Dans notre époque moderne, la famille commence, à proprement parler, avec l’arrivée de l’enfant. Ce qui constitue un véritable remaniement affectif de la place du mariage et de la famille. Il n’y a pas si longtemps, la jeune fille célibataire, la vieille fille, était condamnée sévèrement voire méprisée car inutile. Aujourd’hui, les mères célibataires – et les pères célibataires –constituent désormais des familles monoparentales.
Lorsque l’enfant parait
On se rêvait éternellement amants avant de se marier. On se réveille mari et femme. L’arrivée de l’enfant nous transforme en père et mère. Cette troisième mutation est de loin la plus difficile. Elle soude le couple ou le fragilise. Ça passe ou ça casse… L’idée romantique de faire un enfant pour rester ensemble ou pour sauver le couple est également un mirage de la comédie de l’amour, comme celui de l’amour éternel. L’arrivée de l’enfant va déstabiliser – au moins au début – la vie harmonieuse jusqu’ici du couple conjugal, de deux êtres qui cesseront d’être célibataires.
L’arrivée de l’enfant, le premier notamment, met en scène une situation nouvelle. Il se produit un changement dans le statut des protagonistes, par le passage de l’état de mari et épouse à celui de père et mère, passage ce qui n’est pas sans conséquence.
Le nouveau ménage à trois ainsi constitué suppose des remaniements psychologiques notables et un repositionnement des deux partenaires qui peut bouleverser l’économie toujours fragile du désir. A cela s’ajoute que lorsque la femme devient mère, elle va réactualiser son propre rapport à sa mère – plus au moins problématique suivant les cas – et de même du côté du mari, désormais placé en position de père, son propre rapport à son propre père et par conséquent à la fonction paternelle. Et ce drame se joue à quatre puisque intervient également le rapport de la nouvelle mère à son propre père et du nouveau père à sa mère. Si cette relation des parents à leurs géniteurs fût problématique et que le sujet n’en est pas averti, il sera davantage fragilisé pour assumer ce changement de statut.
Nous assistons ainsi à une nouvelle distribution des rôles parentaux.
On connaît par exemple la difficulté de la parturiente à reprendre immédiatement après l’accouchement une activité sexuelle, difficulté qui peut parfois s’installer dans la durée et mettre ainsi en péril l’équilibre émotionnel du couple. Le tissu social qui entoure les jeunes mères dans l’initiation à la maternité[9] se réduit de plus en plus, les privant ainsi d’un soutien fort utile ! L’exigence sociale qui nourrit la représentation imaginaire du corps social est la naturalisation de cette accession à la maternité, comme d’une fonction référencielle, qui se passerait sans incident. L’image de la mère, dans le cadre de notre civilisation chrétienne, étant rattachée à la Vierge Marie[10], comme étant une mère chaste et qui porterait un amour inconditionnel à l’enfant répond à une vision naturaliste de l’accession à la maternité.
De la sexualité
L’activité sexuelle, au-delà de sa fonction dans le processus de génération, joue un rôle essentiel dans la pacification des tensions inévitables de l’existence. Si, dans sa relation à l’enfant, la mère trouve un plein épanouissement et une source inépuisable de satisfaction narcissique, par contre le mari, privé, frustré, des satisfactions d’ordre sexuel que lui apportait son épouse, se retrouve en état de déséquilibre émotionnel. Qu’il aille chercher ailleurs des satisfactions et c’est le couple conjugal qui se trouve mis en péril. En fait les deux partenaires, peuvent vivre, chacun à sa manière, ce type de difficulté. Par ailleurs le père, de son côté, met sa femme sur un piédestal idéalisé qui le renvoie à la vision infantile de sa propre mère et ne peut plus alors la considérer comme épouse-amante. Lorsque la femme devenue mère se complait de façon exclusive dans une relation passionnelle avec son enfant, l’homme a du mal à la retrouver en tant que femme.
Cette femme, si elle se vit comme toute mère, mettra son enfant dans une position difficile, celui-ci en venant à nier le père, devenu un intrus. Nous pouvons d’ailleurs penser que l’aliénation parentale met en évidence cette déviance : que chacun des partenaires pourrait être tout père ou toute mère, pouvant évincer ainsi avec aisance l’autre partenaire perçu comme rival. Ce cas de figure vient, comme nous l’avons déjà signalé, compromettre la résolution normale œdipienne, qui est par définition celle de la dialectique du tiers exclu.
Mais l’arrivée d’un enfant dans la vie d’une femme n’est pas toujours source de satisfaction ; dans certains cas, elle peut même apporter des bouleversements psychiques produisant un état critique se traduisant par une dépression sévère, ou pire encore par un état de délirium, quand survient une crise de psychose puerpérale déclenchée par les conséquences psychiques du procès de séparation corporelle mère-enfant. Cette séparation en effet peut être ressentie par la mère, comme une perte d’objet insupportable et par conséquent inassumable.
Cela joue pour les deux partenaires du couple parental. L’accession de l’homme à la paternité peut être une expérience déroutante pour le jeune père, qui ne sait pas comment se débrouiller avec ce nouveau remaniement pulsionnel. Il doit se repérer sur sa propre expérience de son rapport à son père, à son modèle paternel.
Du divorce
Qu’en est-il du droit de divorcer ?
« La possibilité de divorcer s'inscrit, quant à elle, dans la législation française à partir de 1792. Réfutée en 1816 à cause de son impact, considérable à l'époque (un mariage sur trois est dissout). Le droit de divorcer ne sera rétabli qu’en 1884 sous la IIIème République. Dès l'année suivante, environ 4.000 couples divorcent ; en 1939 ce chiffre atteindra 27.000. Fondé exclusivement sur la notion de faute de l'un ou l'autre époux, essentiellement l'adultère, le divorce est alors prononcé en faveur de la victime de la rupture du contrat à laquelle il peut être versé des dommages et intérêts. Ce que les statistiques ne mentionnent pas toutefois, c'est le nombre de demandeurs versus le nombre de demanderesses et auquel des deux sexes profite le plus la dissolution du mariage…. Plus récemment, les statistiques montrent que les divorces ont augmenté de 36% depuis les années 70, la durée moyenne de vie en couple étant de 12 ans. [11] En 2014, pour 240.000 mariages, on enregistre 133.000 divorces.
2- Séparation conflictuelle, aliénation parentale
L’éclatement de la cellule familiale implique une réorganisation de la vie matérielle et pratique. Les couples raisonnables la mettent en place pour le bien-être des enfants. Encore faut-il s’entendre sur ce que chacun considère comme bien pour eux.
Mais à cette situation, qui ne manque pas d’être perturbante pour l’enfant, va venir se surajouter une nouvelle complexité qui va compliquer encore son adaptation aux conséquences de la rupture du couple conjugal, donc du couple parental dissocié. Nous avons pris l’habitude de raisonner à partir d’une cellule familiale a minima, soit le trinitaire oedipien : père, mère, enfant, et d’évaluer, à partir de cette structure minimale théorique, les effets sur l’enfant de cette dissociation du couple parental. Mais, dans la plupart des cas, les choses se complexifient de plus en plus souvent, avec la mise en place d’une recomposition familiale concernant les deux parents. C’est ainsi que l’on pourra observer, comme je le fais fréquemment, à titre d’exemple, une situation dans laquelle le père, divorcé, vit maintenant avec une nouvelle compagne, elle-même divorcée récemment, dans le cadre d’une séparation également conflictuelle avec le propre père de ses deux enfants. Un nouvel enfant naît de ce nouveau couple recomposé. Du côté de la mère des enfants, on peut retrouver une situation équivalente. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué….
On pensait, par la séparation, par la rupture du lien conjugal, s’être libéré d’un poids, d’une situation devenue insupportable, avoir retrouvé une nouvelle forme de liberté. C’est oublier que la liberté est dans les liens, des liens inhérents à la structure même du lien social. Les optimistes, idéologues professionnels, nous assurent que ces situations ne peuvent qu’être bénéfiques et enrichissantes pour les enfants, en mettant en scène une famille élargie multicentrique, une forme de polygamie moderne épanouie, libérée du carcan de la monogamie occidentale chrétienne traditionnelle. Ces idéologues ne traitent pas professionnellement comme je le fais, les souffrances des parents et des enfants impliqués dans ces situations, particulièrement celles que nous qualifions de séparations conflictuelles.
Je me souviens à ce propos de cette fillettede dix ans, venue me consulter avec sa mère, pour une série de troubles psychologiques à retentissement somatique. Les parents sont séparés depuis quelques années déjà, l’enfant vit avec sa mère qui en a la garde principale, à Paris. L’enfant doit aller rejoindre son père, à l’autre bout de la France, un week-end sur deux et y passer la moitié des vacances. Lui s’est remarié avec une nouvelle compagne, également divorcée ayant deux enfants en bas-âge. Ils ont eu ensemble un nouvel enfant. Cette petite-fille m’explique : « Je ne comprends pas quelle est ma place dans la nouvelle famille de mon père. Il exige que je vienne ponctuellement pendant les périodes où il a légalement ma garde, mais il ne s’occupe pas de moi. En dehors de son travail qui l’occupe énormément, il n’a d’attention que pour sa nouvelle famille, moi je n’existe pas. J’ai l’impression que son mariage avec ma maman et les enfants qu’il a eus avec elle, ça n’a été qu’un brouillon pour réussir sa nouvelle vie. »
Dans les cas que nous considérons comme relevant de l’aliénation parentale, ce qui fait difficulté, c’est justement l’arrivée de l’enfant. Celui-ci devient un enjeu : celui de la possession exclusive. [12] Car l’amour est désir de possession. Quand l’amoureux dit "toi et moi ne sommes qu’un", ce qu’il veut dire en réalité c’est "tu m’appartiens et par conséquent j’exige l’exclusivité". À partir de ce moment-là, le poison de la jalousie s’infiltre dans la relation. Ce sentiment de possession se renforce avec l’arrivée de l’enfant. On ne dit plus, la mère en particulier, notre enfant mais mon enfant.
Mais là aussi, le poison de la jalousie y compris, dans certains cas délirante, est à l’œuvre.
Il y a jalousie et jalousie, comme le démontre Freud dans son article « Sur quelques mécanismes névrotiques dans la jalousie, la paranoïa et l’homosexualité (1922) ». [13] Être normalement jaloux relève de l’envie refoulée d’aller voir ailleurs si l’herbe… Et, en conséquence, par un mécanisme de projection, on est jaloux de l’autre – qui peut-être pourrait faire ce que l’on a soi-même envie de faire. La jalousie pathologique est différente. Elle prend des proportions délirantes car elle ne se nourrit d’aucun fait réel : « Mon conjoint me trompe avec tous les hommes (toutes les femmes) qui passent ». Cette jalousie-là peut s’accompagner de violences, voire aller jusqu’au meurtre. En effet, le jaloux (la jalouse) pathologique ne supporte pas de ne pas être Un avec son ou sa compagne. Alors, mieux vaut le ou la détruire. Ce phénomène, en effet, n’est pas spécifiquement masculin. On connaît ces faits divers dramatiques qui sont parfois l’issue de ces situations : meurtre du conjoint, meurtre des enfants et suicide altruiste du meurtrier. [14]
L’aliénation parentale a donc pour principal ressort le sentiment de possession exclusive de l’enfant. Et, de la part du parent dit aliénant, le refus de se soumettre à la Loi, qui sert justement à définir la limite, c’est-à-dire comment jouir de son bien, sans en abuser. « On en a l'usufruit, on peut en jouir à condition de ne pas trop en user. C'est bien là qu'est l'essence du droit : c'est de répartir, de distribuer, de rétribuer, ce qu'il en est de la jouissance ». [15]
Ce qu’il est important de souligner, à cette phase-là de la séparation, c’est que celui qui a décidé de partir sera considéré d’emblée comme celui qui a tort. Il a rompu le pacte implicite, l’unité imaginaire de l’amour : il est considéré par son partenaire comme celui qui a trahi. Il se produit ici une véritable cassure narcissique imaginaire, qui ne peut être réparée que par la reconnaissance de son droit exclusif sur l’enfant. Celui à qui est imposée la séparation, ne la souhaitait pas. Il y a été contraint. Il veut garder les enfants pour lui, et éliminer l’autre parent de tout contact avec leur enfant. Dans ces séparations conflictuelles, celui qui veut tout garder pour lui et exclure l’autre, sera le parent dit aliénant.
L’amour maternel tend à se partager entre les deux sexes dans la mesure où les pères se comportent – évolution de la civilisation oblige - de plus en plus souvent en mère, c’est-à-dire partagent avec la mère des fonctions qui lui étaient autrefois exclusivement réservées (nourrir, bercer, endormir, changer les couches etc.). Et l’on sait que ce qui attache à jamais l’adulte au bébé, c’est le partage, dès la naissance, de l’amour avec les soins. La fonction maternelle, cela fait en effet référence à la personne qui donne l’amour avec les soins, pendant la période cruciale où le bébé est encore dans un état de dépendance vitale totale, où sa survie est l’enjeu primordial.
Ce père, quand il devient maternant à l’extrême [16], refuse de partager : il veut être l’éducateur exclusif des enfants, se renvoyant à lui-même l’image du père responsable. En quoi il se trompe car la fonction paternelle, ce n’est pas d‘être un père éducateur. Ce qui le rend légitime, c’est de partager le lit de la mère en tant qu’épouse. Lacan dira d’un père « qu’il n’a le droit à l’amour que lorsqu’il fait d’une femme l’objet cause de son désir ». [17] C’est d’être le mari de la mère qui lui donne sa légitimité. Les difficultés commencent quand il ne l’est plus.
De façon viscérale, quand les choses tournent mal, cet adulte-là ressent que l’enfant lui appartient. Et quand il met en acte cette solution boiteuse, il vise avant tout l’élimination de l’autre qui l’a trahi en le quittant. Avec une ambiguïté qui complique beaucoup la lecture objective de la situation, du fait qu’il se présente en victime. C’est l’autre qui a tort, l’a trompé, lui a rendu la vie impossible. Certains de ces sujets se prennent véritablement pour la victime de l’autre, parfois dans une certitude délirante. [18]
Cette posture est lourde de conséquences, car elle influe sur l’attitude des enfants. Dans cette situation, l’adulte-victime endoctrine les enfants, se comporte en gourou, en manipulateur. Et les enfants y croient. Effectivement, nous sommes là dans le domaine de la croyance. Leur père est leur dieu. Ce qu’il dit ne peut être que vrai. Et si c’est la mère qui se pose en victime, leur soutienest, de la même manière, inconditionnel.
On n’a donc, dans ces situations, que des victimes : celui qui se dit victime de son conjoint (qui le trompe, qui néglige sa famille) en convainc ses enfants ; l’autre parent, désormais privé de l’amour et de la rencontre régulière avec ses enfants. Et, bien sûr, les enfants eux-mêmes. Par conséquent, des situations perdant-perdant.
Le parent aliénant veut donc éliminer l’autre et garder l’exclusivité de ses enfants.
Quand les troubles de la personnalité s’en mêlent
Tout dépend de l’évolution de la situation. Dans la plupart des cas, le juge, le conseiller, un autre parent arrive à lui faire entendre raison, pour le bien des enfants et un modus vivendi peut se mettre en place. Dans ce cas, on n’est pas, à mon sens, à proprement parler dans un cas d’aliénation parentale ; ce qui ne veut pas dire que certaines de ces situations n’en sont pas moins préoccupantes et nécessitent une attention spéciale, voire spécialisée.
Dans d’autres cas, qui représentent probablement 1 à 2 % des séparations plus ou moins conflictuelles, le parent aliénant est fermé à toute discussion et la situation devient ingérable. Mon expérience clinique de psychiatre et de psychanalyste me fait dire qu’on a alors affaire chez le parent aliénant à des troubles graves de la personnalité. On est bien là face à un délirium.
Et quand on approfondit ces situations, comme je le fais avec les personnes qui viennent me consulter, on se rend vite compte que des indices de troubles de la personnalité existaient depuis longtemps déjà, mais rampants en quelque sorte. L’anamnèse de ces situations met en évidence chez le père ou chez la mère, suivant les cas, des comportements éclairants tels que : psychorigidité, méfiance, jalousie, violence, avarice, caractère procédurier etc. C’est la dissociation du couple qui en sera le révélateur et dévoilera dans toute leur ampleur ces éléments pathologiques déjà présents : délire de jalousie, surestimation de soi-même, méfiance pathologique, conviction délirante d’avoir raison qui ne résiste à aucun examen, changements de comportement brutaux, troubles de comportement, violence et manifestations d’agressivité plus ou moins insidieuses. La liste des symptômes est longue. Et si le conjoint en souffrait, il ne se rendait en général pas compte, pendant un temps, de leur gravité.
Chaque cas est cependant singulier.
Et c’est à partir des conséquences de ces pathologies que ce sujet va être soit le parent rejeté, soit au contraire le parent dit agresseur qui va faire en sorte d’avoir une emprise totale sur les enfants et faire des enfants des enfants soldats contre l’autre parent ennemi. Il faut bien le repérer parce qu’évidemment, la pathologie mentale, ça se soigne, mais en même temps, le sujet qui en est atteint se trouve dans une complète méconnaissance et déni de sa pathologie.
La personnalité pathologique, ça peut être une personne parfaitement lucide par ailleurs, parfaitement performante sur un plan professionnel et social. Une personnalité à tonalité paranoïaque, par exemple, qui va développer un délire de jalousie. Cela se fait de façon insidieuse, ça n’apparaît pas dans la sphère publique, donc, comment le détecter ? Un paranoïaque qui va faire un délire de persécution et qui va retourner ce délire de persécution contre l’autre, c’est pareil, ça n’apparaît pas à l’œil nu, dans la vie sociale. Ça demande un examen professionnel attentif.
Nous sommes en présence d’un sujet qui paraît, à l’observateur non averti, tout à fait normal, qui n’est pas confus, qui est très bien adapté dans son travail, généralement socialement bien considéré par ses supérieurs et ses collègues, qui est professionnellement très performant, mais qui est par ailleurs délirant dans la sphère privée, dans la mesure où il présente une jalousie pathologique ou des phénomènes de paranoïa aiguëe, qui peuvent être parfaitement compatibles avec une vie sociale apparemment normale. Nous sommes, dans ce cas-la, dans le cadre d’un délire dit en secteur. Le délire ne porte que sur un seul aspect de la vie, la vie privée. À l’opposé, il existe un délire en réseau, qui englobe vie privée et vie publique.
Il convient de bien distinguer ces éléments pathologiques de ce que le profane considère habituellement comme maladie mentale : la schizophrénie, dénommée également démence précoce, qui est une pathologie du passage de l’adolescence à l’age adulte qui se traduit par un effondrement complet de la personnalité et une efflorescence délirante manifeste. Celle-la se voit à l’œil nu !
Pour éclairer le mécanisme d’aliénation parentale, il me parait important de se référer à un concept de la psychiatrie du XIXème siècle, tombé depuis lors en désuétude : la folie à deux. Cette entité clinique met en présence deux, voire davantage, de sujets. Il ne s’agit pas là de ce qu’on a pu appeler folie simultanée, qui concerne deux sujets psychotiques, mais d’un tableau comprenant un premier sujet délirant dans le contexte d’une pathologie à caractère paranoïaque ou paranoïde et d’un deuxième sujet (voire plusieurs), qui lui-eux ne présente-nt pas de structure mentale à caractère psychotique. Celui-ci, compte tenu des liens particuliers qui l’unit au premier, sans qu’il y ait besoin d’une influence extérieure, va adopter la conviction délirante du premier. C’est ainsi qu’il fait sienne la certitude de l’autre, reprenant à son compte tous les éléments de la construction délirante du premier. Il se trouve ainsi complètement aspiré en quelque sorte dans cette conviction, au point d’y perdre ses propres repères symboliques. La principale mesure thérapeutique préconisée au XIXème siècle par les aliénistes de l’époque a consisté à séparer les deux sujets. On constate alors que celui qui s’était trouvé inclus dans la mécanique délirante renonce alors à adopter le délire de l’autre. Il retrouve de ce fait son assise symbolique antérieure, pendant que le sujet inducteur maintient lui intacte sa conviction délirante. Dans la folie à deux ou encore folie communiquée, comme la nomme le Docteur Régis, « un aliéné fait partager ses convictions délirantes à une ou plusieurs personnes de son entourage, sans que celles-ci puissent être réellement considérées comme atteinte de folie ». [19] Quant à lui, Clérambault précise : « Entre ces deux sujets, existe toujours une ligne de démarcation infranchissable. L’un est fou au sens social et légal du terme. L’autre ne l’est pas. »
Cette entité clinique a passionné au XIXème siècle toute une génération d’aliénistes. Tout d’abord Legrand du Saule, en 1871, dans son ouvrage intitulé Le délire des persécutions y parle des « idées de persécution communiquées ou délire à deux et à trois personnes ». Baillarger y consacre un premier article en 1873 et un second en 1890. En 1877, Lasègue et Falret publient ce qui est certainement le meilleur écrit consacré à cette entité, intitulé La folie à deux. Régis y consacre sa thèse en 1880. Enfin on oublie souvent que près d’un quart des Œuvres psychiatriques de Gaëtan de Clérambault sont consacrées à ce qu’il nomme les délires collectifs.
Le psychiatre-psychanalyste Jacques Lacan, en 1931, publie un article intitulé Folie simultanée et, en 1933, publie dans la revue surréaliste Le Minotaure, un texte intitulé « Motifs du crime paranoïaque », consacré au cas des sœurs Papin [20] , où il s’agit bien d’un authentique cas de folie à deux. Au cours de son séminaire à l’hôpital Sainte-Anne sur les structures freudiennes des psychoses, il faisait une présentation de malade à laquelle j’assistais, où il y présenta le cas d’une mère et sa fille, caractéristique de la folie à deux.
Georges Daumézon signale, en 1955 : « Il est en tout cas essentiel de distinguer ces phénomènes du registre de la persuasion psychologique ou de la transmission d’idées erronées. En effet, dans la folie à deux, on assiste à la disparition subjective d’un des deux protagonistes qui en vient à abandonner tout lieu psychique qui lui était propre pour être littéralement aspiré par le délire du premier. »
Ce qui se passe dans l’induction délirante du parent aliénant vis-à-vis de ses enfants contre l’autre parent, relève bien de ce mécanisme du délire à deux, l’enfant perdant toute possibilité d’esprit critique, tant qu’il subit les effets de ce mécanisme.
Ce concept mérite d’être examiné, nuancé, développé.
Dans certains cas, cette folie à deux peut se développer au niveau du couple conjugal : un conjoint adhère aux thèses délirantes de l’autre, pour un temps. Jusqu’à ce qu’il prenne conscience du caractère délirant de cette passion. Si le mécanisme est le même, chaque cas a sa thématique délirante particulière. L’essentiel de ces thématiques se range dans les catégories des paranoïa et paraphrénies.
Ces délires ont en commun un âge de survenue tardif, en général après 35-40 ans. Ce qui explique qu’ils n’aient pas été ni perçus ni diagnostiqués auparavant. Ils se déclanchent souvent à l’occasion d’un bouleversement psychique, tel que l’accès à la paternité ou la maternité (cf. le mécanisme du baby blues autrement appelé psychose puerpérale) ou plus souvent à l’occasion du divorce quand celui-ci est vécu par le parent aliénant comme une trahison insupportable.
Ces états délirants se répartissent en 3 groupes, chacun d’eux se caractérisant par une interprétation délirante pour les délires paranoïaques, hallucinatoire pour la psychose hallucinatoire chronique, une hallucination délirante pour la paraphrénie.
Dans l’aliénation parentale, on n’est plus dans le cadre de la médiation familiale, on est dans le soin, en tout cas, dans la nécessité d’un soin. Et si on ne s’aperçoit pas qu’on est dans le besoin de soin, on passe à côté, évidemment, d’une possible solution. Ce qui ne va pas de soi, compte tenu du fait que la personnalité paranoïaque est dans le déni et la conviction inébranlables d’avoir raison. Seule la séparation du couple parent aliénant/enfant(s) peut permettre à ce dernier, l’enfant, de retrouver son esprit critique avec l’aide d’un psychothérapeute. Ces évolutions contrastant souvent avec un maintien prolongé de l’intégration sociale et une absence de dissociation mentale.
On distinguera donc dans la diversité des pathologies mentales en cause dans ces situations : les délires paranoïaques, les délires passionnels et le délire de relation des sensitifs de Kretschner, suivant en cela la classification classique française élaborée à partir du XIXème siècle jusqu’au milieu du XXème.
1. Les délires paranoïaques
Le terme de paranoïa qualifie à la fois un trouble de la personnalité et une pathologie délirante. Il convient donc de toujours en préciser l'attribution en termes de délire ou de trouble de la personnalité.
Les délires paranoïaques sont des états délirants chroniques, de mécanisme interprétatif et systématisé. La systématisation du délire lui confère un caractère extrêmement cohérent qui, associé à la conviction absolue et inébranlable du patient, peut entraîner l'adhésion de tiers. Ils se développent plus volontiers chez des patients présentant un trouble de personnalité prémorbide de type paranoïaque dont les principaux traits sont représentés par l'hypertrophie du moi, la fausseté du jugement, la méfiance, la psychorigidité et l'orgueil.
Il est habituel d'identifier au sein des délires paranoïaques les délires passionnels, les délires d'interprétation et les délires de relation des sensitifs de Kretschmer.
- Les délires passionnels
Les délires passionnels regroupent l'érotomanie, les délires de jalousie et les délires de revendication. Ils ont été regroupés et qualifiés de passionnels du fait de la nature des sentiments et des thèmes qui les inspirent. Ces états ont en commun d'être des états délirants chroniques débutant généralement brusquement par une interprétation ou par une intuition délirante. Ils peuvent secondairement s'enrichir de nombreuses interprétations délirantes et comportent en général une forte participation affective pouvant être à l'origine de passages à l'acte.
Les délires passionnels ont une construction dite "en secteur" car ils ne s'étendent pas à l'ensemble de la vie psychique, affective ou relationnelle du sujet et les idées délirantes restent centrées sur l’objet et la thématique quasi-unique du délire.
- L'érotomanie ou l'illusion délirante d'être aimé
La description clinique définitive de ce trouble a été réalisée en 1921 par Gaétan de Clérambault.
Le délire érotomaniaque touche plus fréquemment des femmes et l’objet de l’érotomanie tient souvent une position sociale élevée et enviée (prêtres, médecins…). Ce trouble débute par un postulat fondamental, formé par une intuition délirante, au cours duquel l’objet de l’érotomanie déclarerait son amour.
L’évolution de l’érotomanie se fait en trois stades successifs : espoir, dépit, rancune. Au cours de ces deux derniers stades, des actes auto et surtout hétéroagressifs sont à craindre.
- Le délire de jalousie
Le délire de jalousie touche essentiellement des hommes. Il s’installe le plus souvent de façon insidieuse et va se nourrir et se développer aux dépens d’évènements anodins qui feront l’objet d’interprétations délirantes. Il s’associe régulièrement à un alcoolisme chronique.
- Les délires de revendication
Ce type de délire passionnel regroupe :
- les inventeurs méconnus qui cherchent au travers d’innombrables démarches à obtenir la reconnaissance que la société leur refuse,
- les quérulents processifs qui multiplient les procédures judiciaires,
- les idéalistes passionnés qui cherchent à transmettre leurs convictions.
2. Le délire d’interprétation de Sérieux et Capgras
Les délires d'interprétation se développent le plus souvent chez des patients présentant une personnalité pathologique de type paranoïaque. Ils peuvent survenir brutalement, faisant suite à un facteur déclenchant, ou s'installer de façon insidieuse. Ce type de délire peut se structurer et évoluer durant des années. Les interprétations délirantes sont nombreuses et tous les événements rencontrés par le sujet seront rattachés au système délirant. Il n’y a plus de hasard dans la vie du sujet. La structure de ce type de délire est dite en réseau puisque tous les domaines (affectif, relationnel et psychique) de la vie du sujet sont envahis par les idées délirantes.
Les thématiques les plus régulièrement rencontrées sont celles de persécution et de préjudice.
3. Le délire de relation des sensitifs de Kretschmer
Ce délire, décrit par Kretschmer en 1919, se développe chez des sujets présentant une personnalité prémorbide de type sensitive. On ne retrouve pas dans les personnalités qualifiées de sensitives ou sensibles l’hyperestime de soi ou la quérulence qui caractérisent les autres types de personnalités paranoïaques. Elles présentent par contre orgueil, sens des valeurs et de la morale, vulnérabilité et tendance à intérioriser douloureusement les échecs relationnels et affectifs qu’elles rencontrent.
Sur ce type de personnalité, le délire émerge en général progressivement dans les suites de déceptions. Il se construit sur des interprétations délirantes et les thématiques les plus fréquemment rencontrées sont celles de persécution, de préjudice, de mépris ou d’atteinte des valeurs morales. Ce délire se systématise peu et s’étend rarement au-delà du cercle relationnel proche du sujet (collègues, famille, voisins). Il peut se compliquer d’évolution dépressive.
Il est important de préciser que cette classification se réfère aux travaux nosographiques, réalisés essentiellement à partir du siècle dernier, et poursuivis dans la première moitié du XXème siècle par l’école de psychiatrie française. Elle ne correspond pas nécessairement point par point à la classification de l’association américaine de psychiatrie du DSM.
Si le mécanisme de folie à deux est général, chaque thématique délirante observée est particulière.
3- Et l’enfant dans tout ça ?
On voit bien, dans ces situations brossées à grands traits, les déchirements, angoisses et violences qu’entraîne la rupture de ce lien conjugal ambigu et complexe.
Et l’enfant, dans le scénario de rupture, occupe une place essentielle : la pire.
Pourquoi en arrive-t-on là ? Pourquoi constate-t-on que ce qui prévaut dans la vie du couple moderne, contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce n’est pas nécessairement le bien-être de l’enfant ? Ça ne l’a d’ailleurs jamais été et ça ne l’est toujours pas. Dans une époque où l’individualisme forcené a été mis au premier plan, où nous sommes dans une culture du narcissisme, la préoccupation du bonheur de l’enfant, du bien-être de l’enfant, n’est pas la préoccupation principale du couple. Nous le constatons tous les jours dans notre pratique de pédopsychiatre. Et l’enfant est, dans un certain nombre de situations, et notamment dans celles d’aliénation parentale, complètement instrumentalisé. Il va être tour à tour enfant otage, enfant soldat, enfant médicament, et dans certains cas, il n’est même pas considéré comme une personne. Il est considéré comme un objet, un bien comme un autre.
Beaucoup va dépendre de l’âge de l’enfant lors du démarrage du conflit qui va dissocier le couple parental, et des circonstances dans lesquelles va se produire cette dissociation. Cela va dépendre également avec quel parent il va être amené à maintenir une relation privilégiée, que ce soit pour des raisons juridiques ou circonstancielles. L’enfant, s’il est encore à un stade d’évolution prépubertaire, va être pris dans un conflit de loyauté , car il a besoin pour se construire, d’images parentales stables, du fait qu’il est encore à un âge où il n’est pas capable d’avoir un esprit critique suffisamment développé, pour avoir sa propre opinion assurée.
Si les enfants sont suffisamment grands pour ne plus être dans une relation fusionnelle d’attachement à la mère et pour être dans une relation positive avec le père, ils seront très sensibles aux arguments que pourra donner le père, qui par ailleurs se montrera très attaché à ses enfants. La période la plus sensible pour les enfants est entre 6 et 12 ans, avant la puberté, mais elle peut continuer au-delà. [21]
Dans les situations d’aliénation parentale, la notion de conflit de loyauté est résolue de manière radicale et dramatique : par l’absence de tout compromis dans le dilemme qui les oppose, s’agissant de la détermination de l’enfant à croire de préférence le parent-victime.
Freud avait déjà pointé l’ambivalence de l’enfant à l’égard de ces deux figures parentales, la présence de l’amour mais aussi de l’hostilité provoquée par le fait de se voir refuser l’exclusivité de la relation avec l’un d’eux. [22]
L’enfant, en dehors de tout conflit parental, sera plus attaché à l’un des deux parents, en fonction de son sexe d’abord, mais également en fonction de son âge. Il va être amené à choisir son camp car il a besoin pour se construire, comme tous les enfants, de s’identifier aux parents, notamment à l’un des deux parents en fonction de son propre sexe, à un moment donné.
Dans un processus normal, pendant la période d’attachement primaire, c'est-à-dire dans la première partie de sa vie, dans les deux premières années surtout, parfois un peu au-delà, il a besoin d’une relation quasi-fusionnelle avec sa mère. L’enfant humain naît prématuré, par définition. Cette relation fusionnelle lui est nécessaire car il ne dispose pas encore ni de la maîtrise du langage, ni des activités motrices. Il a donc en premier lieu un processus d’attachement très fort avec la mère, ou avec la personne qui remplit cette fonction (cela peut être parfois le père, une gouvernante, une nourrice). Cette personne-là va être très importante, par l’empreinte durable, qu’elle va laisser sur l’enfant, car elle apporte l’amour avec les soins.
Ensuite, au moment où l’enfant va commencer à évoluer, à acquérir une certaine autonomie par rapport à la personne de la mère, il va avoir besoin de plus en plus de se référer à un tiers, qui est le père. L’enfant se dirige vers cette autre personne également dans un lien d’amour. Mais pour que ce lien soit fort, il faut que ce tiers puisse être également un objet non seulement d’amour mais aussi d’admiration pour l’enfant. Il est nécessaire qu’il y ait un processus d’idéalisation de cette personne tierce qui est le père pour que le lien soit opérant. Le père doit être en position de pouvoir se faire aimer et admirer par l’enfant, il doit pouvoir é-pater l’enfant. Le processus de des-idéalisation se produit dans les cas où il y a dévalorisation du père par la mère ou du père par lui-même : alcoolisme, violences.
Mais ces liens structurants sont dans le même temps des liens de dépendance, des liens d’aliénation nécessaire. L’enfant est dans une relation de dépendance telle qu’il va être sous l’influence totale de l’un des parents en fonction de la phase de développement.
Si dans la première phase, en dehors de tout conflit, l’enfant reste trop longtemps dans un état fusionnel avec sa mère, il peut devenir véritablement dépendant. Cela peut être dû à des raisons multiples : le père est absent, ou rarement présent ou mort, ou le père est dans une position où l’enfant ne peut l’admirer : alcoolique, violent… Alors, la phase fusionnelle avec la mère peut durer au-delà de la période initiale et produire un état d’attachement excessif aliénant. Celapourra avoir des conséquences pour son développement à venir, car cet état fusionnel empêche l’enfant de passer à la seconde phase de construction de son autonomie. C’est ainsi qu’il n’est pas rare, dans les cas extrêmes, de constater comme conséquence, au moment de l’adolescence, le déclanchement d’une pathologie mentale de type schizophrénique.
L’enfant a besoin de s’identifier à ses deux parents pour construire sa personnalité. Il va se construire à partir d’une personnalité d’emprunt qui est celle de ses deux parents. Il est donc dans la dépendance absolue vis-à-vis de ses deux parents, que cela se passe bien ou que cela se passe mal.
Si cela se passe mal, même sans séparation : père alcoolique, violent, mère malade mentale, il enregistre tous ces éléments, qui vont s’inscrire dans sa personnalité profonde comme dans un disque dur. Et il aura tendance à reproduire dans sa vie adolescente et sa vie d’adulte, ces mécanismes qui auront été enregistrés dans cette phase de développement précoce. On pourra ainsi constater, à l’âge adulte, les effets d’un processus d’identification paradoxale au parent maltraitant dont il a été pourtant la victime.
C’est ainsi que des troubles pourront se produire, notamment dans la situation où il y a un conflit ouvert entre les deux parents, avec une séparation parentale qui va l’entraîner dans un conflit de loyauté. A un moment donné, il va être davantage avec le père, ou avec la mère, et il va être ainsi amené à choisir son camp. Ce sera évidemment un choix forcé, étant donné les processus que nous avons décrits.
L’enfant est très sensible et très perméable, à tout ce que peut lui dire l’adulte, dont la parole ne peut être que vraie, qui relève, pour lui, de la certitude. On est là en présence d’une croyance à caractère religieux. L’enfant ne doute pas a priori de l’adulte. Si l’adulte lui dit dans un certain contexte quelque chose, il va le croire. Il n’a aucune raison de ne pas le croire, car il n’a pas encore l’esprit critique suffisamment développé. De plus, s’il critique l’autre, il n’est plus dans le processus d’identification, ce qui n’est pas rassurant du tout. Il a beaucoup plus intérêt à croire l’autre, ce qui le rassure car les choses dans ce cas-là sont claires pour lui à un instant donné, même s’il subsiste des doutes ou des interrogations sur la validité de ce choix.
Cela concerne ce phénomène dit de l’emprise. L’enfant va être de facto « sous emprise ». C’est un état d’aliénation parentale, qui est naturel au départ, et qui va vers une construction identitaire quand cela se passe bien, mais qui va évoluer brusquement vers la pathologie quand cela se passe mal. Et comme l’enfant a besoin de se chercher une identité, il sera obligé de la trouver en faisant un choix forcé pour avoir une relation d’attachement satisfaisante avec celui des deux parents avec lequel il va vivre parce que c’est la loi qui le lui aura imposé.
Pourquoi tant de haine après tant d’amour ?
Au-delà de toutes les images qui entourent le mariage et la maternité, images auxquelles nous avons tant envie de croire, la réalité de la violence en jeu nous est rappelé par la mythologie gréco-latine – celle de notre civilisation - qui la met en scène sans fausse pudeur.
Héra [23], déesse grecque de l'Olympe, Junon dans la mythologie romaine, avait une noble mission, celle de protéger le mariage, mais aussi la fécondité et la maternité. Sa tête était couverte de voiles symbolisant le mariage. Elle était un modèle de fidélité quoiqu'elle fût convoitée par d'autres hommes qui furent immédiatement punis par Zeus.
Seule divinité de l'Olympe qui soit mariée, elle est connue pour sa jalousie et sa rancune à l'égard des nombreuses conquêtes de Zeus son mari. Elle était violente et hostile et les querelles avec son époux étaient nombreuses. Elle ne cessa jamais de persécuter les enfants que Zeus eut avec des mortelles.
Les psychiatres anglo-saxons rapprochent souvent l’aliénation parentale avec le « syndrome de Médée » en référence au mythe grec de l’amour trahi. Médée, amoureuse de Jason, lui a permis de s’emparer de la Toison d’or, jusque-là possession de sa propre famille. Mais bientôt Jason se lasse d’elle et la trompe. Après cette terrible déception amoureuse, Médée tue ses enfants et s’arrache le ventre, privant ainsi Jason, l’homme qui l’a trahie, de ses enfants de manière radicale.
Sans aller jusqu’au meurtre, ces Médée des temps moderne n’en sont pas moins redoutables. Elles nient les droits du père et s’appuient sur l’environnement familial, sur la justice, sur le corps médical pour obtenir gain de cause. Le Professeur de pédopsychiatrie Andreoli rapporte tous les effets dévastateurs du drame et parle d’une forme organisée de maltraitance portant sur une dimension vitale de la vie affective. La mère aliénante en effet jouit du soutien de son entourage prêt à tout pour l’aider à éliminer le père : faux témoignages, accusations mensongères ne sont pas rares et fabriqués avec un sentiment d’impunité totale. Le parent aliénant réussit à faire croire que le soutenir, c’est rendre justice, c’est protéger l’enfant et que c’est l’autre qui est dangereux. Et puisqu’il faut bien écouter la parole de l’enfant, celui qui dit « je veux vivre avec maman » est le plus souvent entendu du juge.
Pour le Pr Andreoli, seule l’intimidation pénale peut faire plier ces personnalités paranoïaques et sadiques. Tant que la folie n’aura pas été sanctionnée, médiations et médications ne seront d’aucun secours. [24] Ce qui implique évidemment une prise de conscience de la société. On en est encore loin.
La version masculine est tout aussi redoutable et remarquablement décrite par Tolstoï dans son roman Ana Karenine. Amoureuse d’un jeune officier, elle trompe son mari et se voit alors privée, par celui-ci, de toute visite à son petit garçon, définitivement éliminée de sa vie. On connaît la fin tragique : désespérée, elle se jette sous un train.
Le syndrome d’aliénation parentale était peut-être déjà dans nos gènes culturels.
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[1] Cf. M. Bozon, F. Héran, La formation du couple, Textes essentiels pour la sociologie de la famille, Editions De la découverte, Paris, 2006.
[2] Lévi-Strauss, Claude. Les structures élémentaires de la parenté. Paris, Presses universitaires de France, 1949.
[3] J. Lacan, cf. réf.
[4] David Foenkinos, La délicatesse, Editions Gallimard, Paris, 2009, p. 15.
[5] Platon, Le Banquet, Le Mythe d’Aristophane.
[6] ibid
[7] In Revue française de psychanalyse. Volume 9-1 (1936)
[8] Sur la passion amoureuse de la mère avec l’enfant, cf. Jean Claude Razavet, Du roc de la castration au roc de la structure.
[9] Cf. les rituels de la mise au monde d’un enfant et les soins prodigués à la jeune mère par les Doulas, dans les sociétés traditionnelles. La sagesse des sociétés traditionnelles met à disposition de la jeune mère tout un tas de dispositifs destinés à la soulager de cette charge dans la période connue comme quarantaine. Cela vient confirmer l’émergence et la nécessite – pour ces sociétés – de la figure de la polygamie. Celle qui est devenue mère est dispensée du commerce marital jusqu’à ce que l’enfant ait deux ans, afin de lui consacrer toute son énergie.
[10] Cf. ref. BlogColloque Etre mère, ECF, 2014.
[11] cf. ref. Eurostats, 2014.
[12] Il y aurait lieu à expliciter les différentes formes d’amour décrites par Freud : élection anaclitique, élection d’objet narcissisme. Cf. Freud, Psychologie des masses et psychologue du moi.
[13] Freud S., Sur quelques mécanismes névrotiques dans la jalousie, la paranoïa et l’homosexualité (1922), (traduit par D. Guérineau), in Névrose, Psychose et Perversion, Editions Presses Universitaires de France, Paris, 1973p. 271-281.
[14] Cf. l’article de J. Raimbaud, Le cas Médée et médusée, soirée sur la criminalité, APCOF, 2013
[15] J. Lacan, Séminaire Encore, Leçon 21 novembre 1972.
[16] Nous avons constaté les ravages de cette figure du père poule, maternant à l’extrême qui entre en concurrence avec la mère et délaisse sa fonction de faire barrage à la tentation de se compléter imaginairement par l’enfant.
[17] J. Lacan,
[18] Cf. le discours paranoïaque du père de David Helgoft dans Shine (film australien réalisé par Scott Hicks sorti en 1996), accusant l’adolescent de vouloir détruire sa famille avec son projet de partir de la maison.
[19] Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, fifth edition. « Delusional symptoms in partner of individual with delusional disorder » est la terminologie utilisée pour décrire un « trouble psychotique partagé » ou « la folie à deux ». La définition originale est : « In the context of a relationship, the desilusional material from the dominant partner provides content for delusional belief by the individual who may not otherwise entirely meet criteria for delusional disorder. »
[20] Christine et Léa Papin, plus connues sous le nom des sœurs Papin, sont deux employées de maison, auteurs d'un double meurtre sur leurs patronnes en février 1933, au Mans. Leur procès défraya le chronique.
[21] Extrait de « L’invité du moisRoland Broca». www.acalpa.org septembre 2005
[22] Freud, Psychologie de masses et analyse du Moi. Traduction de Dominique Tassel. Points Essais, Paris, 2014.
[23] Elle est la fille de Cronos et de Rhéa, donc la soeur de Zeus. Elle est la troisième épouse du dieu Zeus. Elle partageait avec lui la domination du ciel.
[24] A. Andreoli. Le syndrome de Médée, parcours sadique de la perte d’amour. Revue Médicale Suisse, Février 2010.